Michel Adam


"Penser la différence est donc affronter la tension, engager sa propre réflexion; c'est plus exactement encore penser au lieu de simplement exister. On change son registre de relation au monde: non plus dans le monde, mais devant le monde; et non pas dans un nouveau confort intellectuel, mais dans une tension qui pèse, juge, évalue cette représentation différenciée du monde. L'existence végétative ne dit rien, car son exigence est transparente pour elle. (...) En situant la bêtise par rapport à la sensibilité, à la différence, nous allons jusqu'au principe de la vie de l'esprit. Le discernement est sensibilité à la nuance, pratique de l'analyse qui sépare et classe. Mais la vie même de l'esprit différencie ce qui est de l'esprit et ce qui est de la nature. L'esprit ne peut élaborer le réel que lorsqu'il est séparé du réel, puis lorsqu'il lui impose ses exigences rationnelles. La pensée ne peut opérer que dans la différence. (...¡ Pour que le réel soit différencié et reconnu comme tel par l'esprit, il faut qu'il entre dans le temps et soit lié à un devenir."La naissance de l'esprit est du domaine de "l'histoire" , écrit Schelling. Dans ce temps, l'esprit doit prendre conscience de ses requêtes propres; il ne doit pas descendre vers le fond, mais tendre vers l'expression de ses possibilités. Le temps est le lieu où l'esprit se manifeste en s'affirmant contre la pesanteur de la facilité, de la sensibilité passive, de ce qu'il est inutile de formuler. La pensée n'est pas tant supression du donné initial que la maîtrise progressive par différenciation de ce donné. (...) Reconnaître par la pensée le principe des individualités, telle est la tâche de la différenciation."
Essai sur la bêtise, Paris, P.U.F, 1975, p. 165-167.


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